- À la demande de la Ministre Zakia Khattabi, dans une lettre du 31 mai 2023
- Cet avis a été préparé par le Groupe Projet « Transition juste »
- Approuvé par l’Assemblée Générale par procédure écrite le 20 octobre 2023
Avis (pdf)
1. Demande d’avis et approche suivie
- [1] Le Conseil fédéral du Développement durable a reçu le 31 mai 2023 deux demandes d’avis pourtant sur la transition juste de la part de Madame Zakia Khattabi, Ministre du Climat, de l’Environnement, du Développement Durable et du Green Deal. D’autres organes (Conseil Central de l’Economie, Conseil National du Travail, Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, Service de lutte contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion sociale ont également été invités à remettre un avis sur des sujets liés à la transition juste. La Ministre souhaite « recevoir l’avis des conseils sur les mesures qu’ils estiment devoir être prises pour atteindre de manière juste une économie et une société neutres en carbone, respectueuses de l’environnement, non toxiques et circulaires au cours de la période comprise entre aujourd’hui et 2030-2050 ».
- [2] L’avis « Transition juste : avis cadre » reprend des considérations, recommandations et principes généraux, et devrait être lu avant le présent avis. Le présent avis traitera de la demande concernant les financements et investissements dans le cadre d’une transition juste. La Ministre demande « Quelles politiques, réglementations, suivi et évaluation les différents gouvernements de ce pays devraient-ils développer et mettre en œuvre en termes de politiques financières et d’investissement pour organiser la transition juste vers une économie et une société neutres en carbone, respectueuses de l’environnement, non toxiques et circulaires ? ». La Ministre souhaite que l’accent soit mis sur les deux questions suivantes : (1) « – Comment mettre en place une fiscalité qui stimule une production et une consommation durables, tout en veillant à avoir un impact social positif ?, (2) « A quelles sources de financement devrions-nous nous adresser pour financer les investissements nécessaires à l’organisation d’une société et économie neutre en carbone, respectueuse de l’environnement, non toxique et circulaire ? ». Le présent avis répond à la première question.
- [3] Deux opinions sont apparues parmi les membres du Conseil: la première est celle des syndicats, des ONG environnementales, les ONG Nord-Sud et des jeunes (paragraphes [4] à [14]). La seconde est celle des employeurs (paragraphes [15] à [45]).
A. Opinion des syndicats, des ONG environnementales, des ONG Nord-Sud et des jeunes[1]
A.1. Considérations préliminaires
- [4] Pour les organisations membres, le financement de la transition juste est une question politique cruciale. Les décisions à prendre doivent se baser sur une estimation des besoins de financements et d’investissements pour la transition juste dans notre pays, intégrant les besoins d’investissement prioritaires des régions, et identifier clairement les ressources déjà prévues et l’écart considérable qui subsiste aux différents niveaux.
- [5] Les organisations membres prennent acte des résultats de recherche qui montrent que les investissements dans la transition vers la neutralité climatique peuvent apporter des résultats positifs nets, notamment en termes d’emploi[2], et même financiers[3].
A.2. Comment mettre en place une fiscalité qui soutienne une transition juste ?
- [6] Les organisations membres rappellent que, comme indiqué dans les conclusions de l’OIT de juin 2023[4], une action urgente est nécessaire pour parvenir à une transition juste, y compris dans le domaine de la fiscalité.
- [7] Les organisations membres soulignent qu’un système fiscal qui contribue à une transition juste doit également conduire à une élimination progressive des combustibles fossiles et au respect des limites du budget carbone et des limites planétaires.
- [8] Les organisations membres soulignent qu’un système fiscal qui contribue à une transition juste sur la base des conclusions de l’OIT doit générer des ressources suffisantes pour financer des investissements publics significatifs dans la transition climatique, pour financer des services publics universels et de qualité[5], et pour financer une protection sociale adéquate qui permette à chacun de passer au-dessus du seuil de pauvreté[6].
- [9] Les organisations membres estiment que, compte tenu de l’importance des besoins, une transition juste est impossible sans que l’ensemble des revenus et des actifs n’y contribue. Concrètement, les organisations membres :
- souhaitent que tous les revenus, y compris les revenus aujourd’hui non taxés tels que les plus-values et les revenus locatifs, soient taxés progressivement. À cet égard, les membres soulignent une étude récente de l’OCDE montrant que la Belgique est le pays où l’écart entre le taux d’imposition effectif sur le travail et le taux d’imposition effectif sur les plus-values financières est le plus important, et qu’elle figure également parmi les pays où l’écart entre le taux d’imposition effectif sur le travail et le taux d’imposition effectif sur les dividendes est le plus important[7].
- souhaitent l’introduction d’une taxe sur les transactions financières, si possible au niveau européen, si nécessaire au niveau belge ;
- veulent une « taxation unitaire », dans laquelle les bénéfices des sociétés multinationales sont calculés conjointement dans tous les pays (au niveau mondial et/ou européen) et les bénéfices imposables sont répartis entre les États en fonction de l’activité économique réelle dans chaque État où la société opère ;
- souhaitent que le taux minimum effectif d’imposition des multinationales (pilier II de l’OCDE) soit porté à 25 %, unilatéralement au niveau de l’UE si nécessaire ;
- soulignent que plusieurs études suggèrent que les impôts sur la fortune peuvent contribuer à combler le déficit d’investissement et à accroître le soutien au financement de la transition[8].
- [10] Les organisations membres sont favorables à une écofiscalité progressive, qui consiste à taxer plus lourdement la consommation de luxe polluante. Cela signifie, entre autres, qu’ils sont favorables :
- à la suppression de l’exonération de la TVA sur les billets d’avion;
- à la suppression de l’exonération des accises sur le kérosène;
- à l’introduction d’une « frequent flyer tax« , selon laquelle plus une personne prend l’avion, plus la taxe sur les vols est élevée;
- à une taxe élevée sur la possession et l’utilisation de jets privés;
- à un passage progressif des accises sur l’électricité vers le gaz et le mazout, avec des mesures d’accompagnement pour les familles les plus vulnérables, avec une distinction entre la résidence principale et la résidence secondaire ;
- à un système fiscal (y compris par le biais d’une réforme du système de TVA) qui reflète l’impact environnemental des biens et des services, décourageant ainsi l’utilisation de produits nocifs tels que les pesticides, les emballages en plastique ou d’autres biens ayant un impact environnemental élevé, d’une part, et encourageant les affectations résilientes à la transition telles que les rénovations énergétiques, la récupération et la circularité, ou les transports publics, d’autre part. Ces mesures devraient être accompagnées de mesures d’accompagnement visant à promouvoir l’accès égal des plus faibles aux biens et services respectueux de l’environnement.
- [11] Les organisations membres souhaitent que les subventions aux énergies fossiles, à l’exception de celles qui servent explicitement des objectifs sociaux, soient supprimées le plus rapidement possible.
- [12] Les organisations membres estiment que toutes les aides (fiscales et non fiscales) aux entreprises doivent être conditionnées à l’existence d’un plan climatique avec des objectifs intermédiaires pour 2030 et 2040 et des émissions nettes nulles pour 2050 au plus tard, y compris un plan de transition juste exposant les implications pour l’emploi et les conditions de travail, à approuver par le conseil d’entreprise (ou en son absence, le CPPT ou en son absence, la délégation syndicale). Ceci est conforme aux conclusions de l’OIT de juin 2023[9].
- [13] Les organisations membres soutiennent un Fonds social pour le climat robuste dans le contexte de l’ETS2.
- Elles soulignent le principe d’additionnalité du soutien du Fonds social pour le climat (Art.13). Le soutien du Fonds ne peut couvrir les mêmes coûts que ceux soutenus par d’autres fonds, programmes et instruments de l’UE et ne remplace pas les dépenses budgétaires nationales récurrentes.
- Elles demandent que des ressources financières importantes soient fournies pour garantir un plan social pour le climat ambitieux. Ces ressources peuvent provenir, entre autres, des recettes de l’ETS.
- Elles estiment que le Fonds social pour le climat ne devrait être qu’une source de financement parmi d’autres pour une transition juste en Belgique.
- Elles appellent les gouvernements à entamer immédiatement les préparatifs de ce plan social pour le climat, dans le cadre des travaux sur le PNEC et en tenant compte des élections prévues en 2024. Non seulement la cohérence de ces plans doit être maximisée, mais le plan social pour le climat doit aussi être soumis à la Commission européenne dès 2025. Un plan social pour le climat bien préparé et cohérent nécessite donc une action avant la fin de cette législature.
- [14] En ce qui concerne le financement international pour le climat, la Belgique doit:
- conformément aux accords internationaux, contribuer équitablement et progressivement à l’objectif annuel de 100 milliards de dollars et au nouvel objectif post-2025, sans préjudice des ressources disponibles pour la coopération au développement ; une contribution belge équitable s’élève au minimum à 500 millions d’euros par an ;
- plaider en faveur de l’intégration des principes de la transition juste dans les institutions financières internationales et les banques multilatérales de développement ;
- s’engager en faveur de l’annulation de la dette des pays à faible revenu ;
- plaider en faveur de sources de financement innovantes pour le fonds des pertes et dommages, telles qu’une taxe mondiale sur les transactions financières, une taxe sur le trafic aérien et maritime international et une taxe sur les entreprises fossiles.
B. Opinion des employeurs[10]
B.1. Considérations préliminaires
- [15] La transition nécessite des investissements importants de la part de tous les acteurs ainsi que des changements de comportements, le tout, tant pour les entreprises, les citoyens que les pouvoirs publics.
- [16] Les nouveaux défis économiques, sociaux et environnementaux impactent et impacteront les entreprises qui, en fonction de divers facteurs, évolueront, se développeront et/ou verront leurs activités diminuer, voire disparaître.
- [17] Pour les particuliers, il s’agit de s’assurer que les investissements nécessaires soient faits et que les groupes les plus défavorisés puissent également être acteurs de la transition.
- [18] La fiscalité et le soutien aux investissements impactent directement la compétitivité des entreprises, leur capacité à réaliser leur transition et leur potentiel à maintenir ou créer de l’emploi. Ce dernier doit être un facteur de lutte contre la pauvreté, à côté de politiques sociales d’accompagnement spécifique lorsque c’est nécessaire. En outre, il est reconnu que la présence d’industries sur le territoire, tout comme un niveau de dettes publiques acceptables, sont des éléments importants de la résilience d’un pays.
B.2. Fiscalité : privilégier des incitants efficaces
B.2.1. Introduction
- [19] La fiscalité qui vise en principe une finalité budgétaire (visant au financement général de l’Etat) peut également viser à influencer les comportements / investissements. Les recettes fiscales sont normalement allouées aux dépenses de l’Etat (qui comprend le remboursement de la dette et de la charge d’intérêts qui y est liée). Les mesures fiscales visant à adapter les comportements vont, suite à l’adaptation de ces comportements, voir les recettes diminuer dans le temps (à taux nominal inchangé). Ces recettes peuvent le cas échéant être utilisées en vue de faciliter les investissements nécessaires ou accompagner les impacts – temporaires – de ces nouveaux comportements. Ces recettes ne peuvent en revanche financer durablement une réduction structurelle (comme par exemple la diminution du coût du travail) car elles sont amenées à se réduire voire à disparaitre.
- [20] La fiscalité ne suffit certainement pas à elle seule à atteindre des objectifs ambitieux, même si elle peut clairement donner ou accompagner un signal aux contribuables en vue de les atteindre. Les autorités doivent ainsi d’abord définir un cadre régulatoire clair et prévisible, en indiquant les attentes (contraignantes) en termes d’objectifs, et ce plusieurs années à l’avance. Pour les particuliers comme pour les entreprises, il s’agit de pouvoir anticiper et planifier correctement leurs décisions et choix d’investissement. Pour les citoyens, cela concerne spécialement les besoins de logement, de chauffage domestique et les modes de déplacement.
B.2.2. Prix CO2
Existant : Signal prix
- [21] Sans être directement considéré comme de la fiscalité, l’Europe a mis en place un système d’échange de quotas d’émission (système ETS) pour les industries les plus émettrices. Ce système met en place un prix pour le CO2. Les recettes perçues sont alors distribuées entre divers fonds et les Etats membres. Un tel système sera également mis en place en 2027/2028 (système ETS 2) pour les consommations (émissions) du transport routier, des bâtiments et des entreprises ne faisant pas partie du système ETS actuel. De la sorte, un prix CO2 est concrètement mis en place, visant à influencer les investissements à réaliser et les comportements. Ce prix s’adaptera afin que les plafonds d’émissions fixés (objectif de réduction) soient respectés.
- [22] Le règlement européen instituant le Fonds social pour le climat précise que la législation de l’Union en matière de climat et d’énergie « a des conséquences économiques et sociales différentes pour les divers secteurs de l’économie, les citoyens et les États membres » (considérant 8)[11]. En particulier, un prix du CO2 devrait “constituer une incitation économique supplémentaire à investir dans la réduction de la consommation de combustibles fossiles, et accélérer ainsi la réduction des émissions de gaz à effet de serre. En combinaison avec d’autres mesures, cela devrait, à moyen et à long terme, contribuer à réduire la précarité énergétique et la précarité en matière de transport, faire baisser les coûts des bâtiments et du transport routier et, le cas échéant, offrir de nouvelles possibilités de création d’emplois de qualité et d’investissements durables, en pleine conformité avec les objectifs du pacte vert pour l’Europe”[12].
Signal prix à préserver
- [23] C’est pour ces raisons que le signal émanant des systèmes ETS est un outil stratégique pour assurer la transition. Dès lors il est important que ce signal soit préservé pour tout un chacun.
ETS : aspects de solidarité, sociaux et de compétitivité
- [24] La mise en place d’une prix CO2 va de pair :
- Avec une solidarité de la Belgique envers les autres Etats membres organisée au niveau de l’Union via entre autres le Fonds de Modernisation ou via une répartition des objectifs de réduction des gaz à effet de serre sur base principalement du PIB par habitant ;
- Avec la mise en place d’un plan social pour le climat (cf. ci-dessous);
- Avec la prise en compte d’aspects visant à préserver la compétitivité.
B.2.3. Accises
Existant : transfert de la TVA vers les accises
- [25] La TVA est un instrument fiscal de nature budgétaire. Une diminution de celle-ci sur des produits spécifiques (comme sur le gaz et l’électricité) diminue les recettes de l’Etat et favorise la consommation des produits visés par un abaissement de leur prix par rapport à une situation sans cette baisse, ce qui donne aux consommateur un signal contradictoire avec l’objectif poursuivi. Dans le cas de l’électricité et du gaz, la diminution de la TVA à 6% a été accompagnée (après crise) par une augmentation des accises (et un système de cliquet mis en place).
- [26] La TVA, tout comme les accises, est une fiscalité à vocation essentiellement budgétaire. Ses recettes sont à destination du budget de l’Etat (et n’ont pas d’affectation déterminée). Ceci n’empêche naturellement pas que le gouvernement décide d’allouer des budgets à des actions en matière de climat ou de soutien à des ménages défavorisés (ce qu’il a déjà fait à de multiples reprises par le passé).
Aligner les accises en fonction d’objectifs définis
- [27] Les employeurs estiment que les niveaux respectifs de ces accises devraient être revus, à budget constant (neutralité budgétaire), en fonction d’objectifs clairement définis et en faisant la distinction entre la situation entre les particuliers, d’une part, et les entreprises et leur compétitivité, d’autre part.
B.2.4. Entreprises
Entreprises et transition
- [28] En vue d’assurer le maintien et le développement des entreprises sur le territoire, de l’emploi et des avantages qu’elles offrent en termes de résilience, il est crucial qu’elles puissent être soutenues – dans le cadre de leur transition – par les autorités. Cela signifie, entre autres, la mise en place :
- d’un cadre clair, porteur pour les entreprises et prévisible dans le temps y compris à long-terme ;
- d’un cadre permettant aux entreprises d’être compétitives (notamment en termes de fiscalité, prélèvements, charges et surcharges) ;
- d’un marché du travail flexible avec des personnes formées ;
- d’accès aux permis d’urbanisme et d’exploiter et autres autorisations à des conditions et dans des délais raisonnables;
- de soutiens financiers (directs, déductibilité fiscale accrue, amortissements accélérés…)
- de soutiens de nature plus technique, en particulier pour les PME et indépendants.
Aides aux entreprises
- [29] Les soutiens à la transition pour les entreprises doivent être transparents, contrôlés et en lien direct avec la transition. Une distinction (transition H2, efficacité énergétique…) au niveau du support peut être envisagée, mais celle-ci ne peut pas l’être en fonction du type d’entreprise (grande ou petite, à vocation sociale ou pas, …).
- [30] En mettant en œuvre, via une véritable vision économique ambitieuse, des politiques industrielles soutenant les entreprises s’inscrivant dans la transition énergétique, les gouvernements soutiendront la transition juste telle que définie par l’OIT.
B.2.5. Particuliers
Situation
- [31] Au niveau des particuliers, la fiscalité et le soutien aux investissements sont clés pour la réalisation des investissements en faveur de la transition avec, cependant, des freins spécifiques tels que le dilemme « propriétaire / locataire » en matière d’investissements dans les habitations. Les logements sociaux ont, au niveau des investissements, un rôle clé pour les publics les plus vulnérables, c’est à ce niveau que les autorités doivent mettre la priorité.
- [32] Les études récentes du Crédit Suisse et d’Allianz montrent que la Belgique est un des pays les plus égalitaires et les plus redistributifs au monde. En outre, notre système fiscal est progressif, les plus fortes rémunérations étant les plus taxées, jusqu’à un taux marginal de plus de 50% (IPP). Les mesures du gouvernement (tarifs sociaux…) sur le gaz et l’électricité ont permis aux ménages « basic living income and minimum social allowances » de consacrer 7% de leur basic living income à la facture énergétique totale (CREG, 2023) alors que chez nos voisins ce pourcentage s’élève de 16 à 35%. Ces éléments ne sont que des exemples montrant la façon dont les politiques visent à protéger les plus faibles et faire contribuer de manière plus importante les hauts revenus, instaurant une solidarité entre citoyens.
- [33] La question de la taxation des plus-values sur actifs financiers est souvent avancée comme piste pour dégager des moyens de financement. Il est important de rappeler qu’une plus-value n’est pas simplement assimilable à un revenu classique : elle reste en toute hypothèse hypothétique et peut être négative lorsque la situation ne tourne pas à l’avantage de l’investisseur. Ainsi, la question de la déduction des moins-values, qui n’est pas sans péril pour le budget, est le corollaire d’une taxation des plus-values. Le régime fiscal actuel, qui est de nature à stimuler l’investissement dans le capital à risque et l’entrepreneuriat, est plutôt positif et il apparaît en conséquence préférable de le maintenir.
- [34] A noter qu’outre les revenus, le patrimoine des particuliers est également, indépendamment des revenus réels individuels, lourdement mis à contribution de différentes manières (précompte immobilier, droits d’enregistrement, droits de succession, droits de donation, …). La plupart de ces contributions relèvent toutefois de la compétence des régions. Si ces contributions sont certes réparties de manière assez inégale et pourraient faire l’objet d’améliorations, elles n’en restent pas moins substantielles.
- [35] Soulignons également qu’une éventuelle taxe sur les transactions financières aurait pour effet, si elle n’est pas introduite à un niveau global, d’induire des différences de traitement et des relocalisations préjudiciables aux objectifs poursuivis en vue de la neutralité climatique. En d’autres termes, la Belgique et l’Europe doivent pouvoir compter sur les leviers financiers disponibles pour atteindre les objectifs et non vouloir taxer à tout prix au risque de faire déménager voir disparaître l’activité.
Fonds social climat
- [36] Le règlement (UE) 2023/955 du Parlement européen et du Conseil du 10 mai 2023 instituant un Fonds social pour le Climat et modifiant le règlement (UE) 2021/2060 contraint chaque Etat membre à développer un plan social climat.
- [37] Le règlement spécifie que la concrétisation de l’ambition climatique accrue nécessitera d’importantes ressources publiques et privées (investissements pour plus d’efficacité énergétique, pompe à chaleur électrique, participation à des communautés d’énergie renouvelable…). “Il est nécessaire de bénéficier d’un financement spécifique pour soutenir les ménages vulnérables, les microentreprises vulnérables et les usagers vulnérables des transports“[13].
- [38] Le règlement note également que “les clients actifs, les communautés énergétiques citoyennes et l’échange de pair à pair d’énergie renouvelable contribuent à la lutte contre la précarité énergétique. Les États membres devraient donc promouvoir le rôle des communautés énergétiques citoyennes et des communautés d’énergie renouvelable et les considérer comme des bénéficiaires éligibles du Fonds“[14]
- [39] Dans ce cadre, l’État membre peut inclure les mesures et investissements aux effets durables dans son plan, pour autant qu’ils ciblent principalement les ménages vulnérables, les microentreprises vulnérables ou les usagers vulnérables des transports et qu’ils visent à :
- a) Soutenir les rénovations des bâtiments, en particulier pour les ménages vulnérables et les microentreprises vulnérables occupant les bâtiments les moins performants, y compris pour les locataires et les personnes vivant dans des logements sociaux ;
- b) Favoriser l’accès à des logements abordables et économes en énergie, y compris des logements sociaux ;
- c) Contribuer à la décarbonation, par exemple par l’électrification ;
- d) Dispenser des informations, des actions éducatives, des actions de sensibilisation et des conseils ciblés, accessibles et abordables sur les mesures et les investissements efficaces ;
- e) Aider les entités publiques et privées, y compris les fournisseurs de logements sociaux, à élaborer et à fournir des solutions abordables en matière d’efficacité énergétique et des instruments de financement appropriés ;
- f) Fournir un accès aux véhicules et aux bicyclettes à émissions nulles ou faibles, tout en maintenant la neutralité technologique, y compris un soutien financier ou des incitations fiscales pour leur achat ainsi que pour les infrastructures publiques et privées appropriées ;
- g) Encourager l’utilisation des transports publics abordables et accessibles.
- [40] Les États membres peuvent également fournir une aide directe au revenu aux ménages vulnérables et aux usagers vulnérables des transports. Ladite aide est temporaire et diminue au fil du temps. Cette aide est limitée à l’incidence directe de l’inclusion du prix du CO2 dans les secteurs du bâtiment et du transport routier.
- [41] Les employeurs soutiennent la mise en place d’un plan social climat et appellent la Belgique à s’atteler au plus vite au développement d’un tel plan social climat avec autant que possible des mesures d’investissements permettant d’atteindre les objectifs climat du pays de manière structurelle. Ce plan est un élément assurant une transition juste telle que définie par l’OIT.
B.2.6. Soutien aux énergies fossiles
- [42] De manière générale, est considéré comme un soutien aux énergies fossiles, une aide directe aux énergies fossiles, une diminution du niveau des taxes sur ces énergies, un niveau de taxe pour des énergies fossiles inférieurs à leur équivalent non-fossiles ou inférieur à la taxation d’autres acteurs. Ainsi, la baisse de la TVA sur le gaz et l’électricité non compensée par les accises, les primes (chèques) à l’énergie, le tarif social ou le soutien CRM aux centrales au gaz dans le cadre de sécurité d’approvisionnement du pays sont considérés comme des soutiens aux énergies fossiles. Ces « soutiens » répondent à des besoins spécifiques critiques qui expliquent leur existence.
- [43] Le gouvernement a par ailleurs pris des décisions fortes sur le sujet ces dernières années. Au niveau des voitures de société (nécessaire pour maintenir la compétitivité de la Belgique en matière salariale), pour bénéficier d’une déductibilité, celles-ci devront être zéro émission. La mise en place du budget mobilité permet également le développement d’une mobilité utilisant moins d’énergie fossile.
- [44] La diminution en cours du soutien au diesel professionnel n’est pas de nature à changer la situation tant que qu’aucune offre de camions (heavy duty vehicles) avec une motorisation alternative n’est disponible sur le marché à des prix concurrentiels, tant qu’il n’est pas possible de réaliser un modal shift performant et compétitif (hors longues distances), tant que la gestion des flux routiers / ferroviaires ne sont pas optimalisés et tant que trop peu de sites industriels sont connectés à des voies ferroviaires et fluviales (pour des industries pouvant faire appel à ce type de transport).
- [45] Dans le cadre du kérosène, les questions liées à la taxation doivent être résolues au niveau international pour des raisons liées à la concurrence.
[1] Membres qui soutiennent cette opinion : Bart Vannetelbosch (Vice-président du CFDD), Benjamin Clarysse (BBLV), Sacha Dierckx (FGTB), Eva Joskin (Canopea), Alba Saray Pérez Terán (OXFAM), François Sana (CSC), Thomas Vael (CSC), Nicolas Van Nuffel (CNCD-11.11.11), Hadrien Vanoverbeke (CGSLB/ACLVB)
Membre qui s’abstient quant à cette opinion: Tom Van den Berghe (Febelfin)
Membres qui s’opposent à cette opinion : Vanessa Biebel (Vice-présidente du CFDD), Ineke De Bisschop (FEB), Ann Nachtergaele (FEVIA), Piet Vanden Abeele (UNIZO)
[2] McKINSEY, The net-zero transition. What it would cost, what it could bring, January 2022, p.viii. | https://www.mckinsey.com/~/media/mckinsey/business functions/sustainability/our insights/the net zero transition what it would cost what it could bring/the-net-zero-transition-what-it-would-cost-and-what-it-could-bring-final.pdf
[3] IPCC Climate Change 2023 Synthesis Report Summary for Policymakers, paragraphe C.2.4. | https://www.ipcc.ch/report/ar6/syr/downloads/report/IPCC_AR6_SYR_SPM.pdf
[4] “Urgent action to advance just transition is an imperative to achieving social justice, decent work and poverty eradication, and to tackling environmental and climate change. The future of economies, societies, jobs and livelihoods is at stake as they depend on the planet’s ecosystems and natural environments.”
[5] “invest in sustainable infrastructure and quality public services to provide a foundation for a just transition”
[6] “provide universal access to comprehensive, adequate and sustainable social protection systems, including social protection floors, to safeguard populations against adverse impacts, reduce vulnerability and strengthen resilience to facilitate a just transition”
[7] https://www.oecd-ilibrary.org/taxation/the-taxation-of-labour-vs-capital-income_04f8d936-en
[8] https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S092180092300112X; https://www.nature.com/articles/s41560-021-00900-y; https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=4479824; https://www.nature.com/articles/s41893-022-00955-z; https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/2023-incidences-economiques-rapport-pisani-5juin.pdf; https://www.nature.com/articles/d41586-022-04412-x; https://wid.world/wp-content/uploads/2023/01/CBV2023-ClimateInequalityReport-2.pdf; https://www.oecd-ilibrary.org/economics/fighting-climate-change-international-attitudes-toward-climate-policies_3406f29a-en
[9] “Such policies and incentives should be coupled with the promotion of effective social dialogue, advancement of decent work and the promotion of environmentally sustainable business models.”
[10] Membres qui soutiennent cette opinion : Vanessa Biebel (Vice-présidente du CFDD), Ineke De Bisschop (FEB), Ann Nachtergaele (FEVIA), Piet Vanden Abeele (UNIZO)
Membre qui s’abstient quant à cette opinion: Tom Van den Berghe (Febelfin)
Membres qui s’opposent à cette opinion : Bart Vannetelbosch (Vice-président du CFDD), Benjamin Clarysse (BBLV), Sacha Dierckx (FGTB), Eva Joskin (Canopea), Alba Saray Pérez Terán (OXFAM), François Sana (CSC), Thomas Vael (CSC), Nicolas Van Nuffel (CNCD-11.11.11), Hadrien Vanoverbeke (CGSLB/ACLVB)
[11] Considérant 8 du règlement (UE) 2023/955 du Parlement européen et du Conseil du 10 mai 2023 instituant un Fonds social pour le Climat et modifiant le règlement (UE) 2021/2060. Ci-après règlement (UE) 2023/955.
[12] Id. Les caractères gras sont ajoutés dans la citation du règlement.
[13] Règlement (UE) 2023/955, considérant 10.
[14] Règlement (UE) 2023/955, considérant 25.