- Demandé par la ministre Zakia Khattabi dans une lettre datée du 14 février 2024
- Cet avis a été préparé par le groupe de project plan fédéral + gouvernance SDG
- Approuvé par l’Assemblée générale par procédure écrite le 27 mai 2024
- La langue originale de cet avis est le néerlandais
Avis (pdf)
1. Contexte
- [1] Le CFDD a reçu une lettre de la ministre Zakia Khattabi, datée du 14 février 2024, demandant des recommandations sur la gouvernance des SDG (ODD),[1] dans notre pays et au niveau de l’UE.
- [2] Dans sa demande d’avis, la ministre fait référence à trois conditions, à son avis, nécessaires pour une mise en œuvre renforcée des SDG : (1) la participation structurelle de la société civile, (2) considérer les SDG comme un tout, et non comme des objectifs séparés, (3) désigner la personne politiquement responsable de la mise en œuvre. La ministre demande que ces trois conditions soient gardées à l’esprit lorsqu’il s’agit de relever le défi d’une meilleure gouvernance pour la mise en œuvre des SDG au niveau de la Belgique et de l’UE.
- [3] La Cour des comptes a publié en 2023 un rapport[2] analysant ce qui a été fait par les différents niveaux politiques avec les recommandations d’un audit de 2020 sur la mise en œuvre des SDG par les différents niveaux politiques de notre pays. Selon le Conseil, les recommandations de l’audit de 2020 restent très pertinentes. L’analyse de la mesure dans laquelle ces recommandations ont été ou n’ont pas été suivies donne également une indication importante de ce qui est nécessaire pour parvenir à une meilleure gouvernance des SDG dans notre pays.
2. Avis existants
- [4] Le CFDD se réfère à plusieurs avis antérieurs dans lesquels on peut trouver de nombreuses propositions et réflexions qui sont encore très pertinentes pour une vision de la gouvernance renforcée pour la mise en œuvre des SDG. En particulier, nous nous référons à l’avis[3] sur la mise en œuvre des SDG.
- [5] Dans ce nouvel avis, le CFDD ne souhaite pas répéter tous ces éléments déjà formulés. Nous voulons nous concentrer sur une série de recommandations succinctement formulées qui capturent l’essence de la vision des membres du CFDD.
3. Recommandations
- [6] Recommandation 1 | Fournir une stratégie de mise en œuvre des SDG. Il est nécessaire – sous une forme ou une autre – de disposer d’une stratégie de mise en œuvre politique des SDG au niveau gouvernemental. Une telle stratégie fait actuellement défaut. Le CFDD a insisté à plusieurs reprises sur la nécessité d’une telle stratégie. La forme d’une telle stratégie est subordonnée à l’objectif, à savoir fournir des garanties suffisantes que le nécessaire est fait pour atteindre les SDG (dans leur ensemble et individuellement[4]) d’ici 2030 de manière transparente et vérifiable, tout en prêtant attention à leurs interconnexions systémiques (interlinkages). Les éléments d’une telle stratégie devraient inclure :
- Une évaluation par SDG de la situation de notre pays au début de la législature et un aperçu des mesures et des ressources nécessaires pour atteindre les objectifs, en indiquant les membres du gouvernement responsables.
- Une vue d’ensemble, par SDG, des stratégies ou initiatives convenues et des responsables politiques.
- Un accent particulier sur les SDG pour lesquels notre pays obtient les plus mauvais résultats.
- Un mandat bien défini pour le plan fédéral de développement durable en tant qu’instrument de la stratégie de mise en œuvre des SDG.
- [7] Recommandation 2 | Assurer une coopération interfédérale efficace. Sans empiéter sur les compétences des différents niveaux politiques, il est essentiel de disposer d’une coopération interfédérale structurelle et se renforçant mutuellement pour un certain nombre de questions politiques stratégiques. Le cadre juridique prévoit l’existence d’une stratégie nationale, mais celle-ci est inexistante dans les faits depuis des années.[5] La Conférence interministérielle du développement durable a été réactivée à la suite du Voluntary National Review 2023 pour la première fois depuis 2017. Il est nécessaire de disposer de garanties suffisantes pour un modèle de coopération interfédérale afin de parvenir à une mise en œuvre complète des SDG. Encore une fois, la forme de la stratégie nationale actuelle est secondaire par rapport à l’objectif. Si, par exemple, il était possible de conclure des accords de coopération réels pour un certain nombre de chantiers stratégiques clés (énergie, climat, mobilité, économie circulaire, politique industrielle, entre autres), cette opportunité devrait être saisie. Une telle coopération interfédérale axée sur les dossiers (au niveau gouvernemental ou administratif) peut être politiquement plus facile à réaliser que la recherche d’un document formel pour une nouvelle stratégie nationale. Le Conseil demande au nouveau gouvernement fédéral de rechercher activement et de manière créative des formules qui peuvent fonctionner dans ce domaine. Ce faisant, il peut s’inspirer d’exemples positifs de coopération interfédérale, tels que le Service de lutte contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion sociale[6] ou la Plateforme intra-belge Économie circulaire.[7]
- [8] Recommandation 3 | Garantir un suivi adéquat de la mise en œuvre, avec une participation structurelle de la société civile et du parlement. Actuellement, il existe déjà de bons outils pour évaluer si notre pays atteint ou non les différents SDG.[8] Cependant, le suivi des engagements politiques pris par le gouvernement pour chaque SDG est encore faible, voire inexistant. Un suivi intermédiaire clair est nécessaire, d’une part par le parlement,[9] d’autre part par la société civile. Dans tout cela, le CFDD devrait pouvoir jouer un rôle structurel, aux côtés d’autres conseils consultatifs fédéraux.
- [9] Recommandation 4 | Contrôler la cohérence des politiques dans le but de considérer les SDG comme un tout. Le CFDD réitère l’importance de considérer les 17 SDG comme un tout et donc de poursuivre des politiques qui n’adoptent pas une « approche en silo ». Par conséquent, il convient également de prêter attention aux liens systémiques (interlinkages) entre les SDG. La cohérence des politiques peut être comprise de différentes manières : entre les compétences au même niveau, entre les niveaux politiques, en prêtant attention aux effets internationaux externes des choix nationaux. Il est nécessaire de mettre en place des initiatives et des instruments (soit nouveaux, soit sous la forme d’un renforcement de ce qui existe déjà) qui peuvent conduire à une plus grande cohérence des politiques. Cela pourrait impliquer de travailler avec un nombre limité de cas systémiques sélectionnés. Le nouveau plan fédéral de développement durable peut jouer un rôle à cet égard.
- [10] Recommandation 5 | Au niveau de l’UE,[10] garantir une stratégie de mise en œuvre des SDG, une approche holistique et une implication structurelle de la société civile. L’analyse du Conseil pour le niveau belge est essentiellement similaire à ce qui devrait se passer au niveau de l’UE.[11] Au cours de la législature précédente, il n’y a pas eu de stratégie distincte de mise en œuvre des SDG (bien que ce soit la demande du Conseil et de la société civile). Les stratégies existantes, qui incluaient un rôle central pour le Green Deal, étaient considérées comme la mise en œuvre des SDG. Il existait une Multi-Stakeholder Platform spéciale, établie par la Commission précédente, mais elle n’a pas été renouvelée au cours de la législature actuelle. Le programme de travail concret de la prochaine Commission n’est pas encore connu. Ce n’est qu’après les élections européennes que la position attendue des États membres et du Parlement européen apparaîtra plus clairement. Il est important d’évaluer avec suffisamment de souplesse comment les éléments (1) de la nécessité d’une stratégie globale en matière de SDG, (2) d’une approche holistique des SDG, (3) de l’implication structurelle de la société civile sont le mieux ancrés dans la politique concrète de l’UE de la prochaine législature. Le Conseil attend du nouveau gouvernement fédéral[12] qu’il adopte une attitude proactive et de soutien pour défendre ces principes dans le contexte du cadre stratégique de l’UE concrètement convenu au cours de la prochaine période politique.[13]
[1] SDG = Sustainable Development Goal. Voir : https://sdgs.un.org/goals. Les SDG font partie du 2030 Agenda for Sustainable Development. Voir : https://sdgs.un.org/2030agenda .
[2] Voir : https://www.ccrek.be/fr/publication/objectifs-de-developpement-durable
[3] Zie: (2015a05) Avis relatif à la mise en oeuvre des SDG.
[4] Dans ce contexte, voir également: (2023a05) Avis sur le projet de Voluntary National Review 2023, [19].
[5] Le CFDD a rendu un avis sur le texte-cadre de la stratégie nationale de développement durable dans l’avis 2016a07.
[6] Voir : https://luttepauvrete.be/
[7] Voir à ce sujet le plan d’action fédéral pour l’économie circulaire : https://www.health.belgium.be/fr/emboiter-le-pas-de-leconomie-circulaire
[8] Dans ce contexte, voir l’important travail du Bureau fédéral du Plan. Le récent rapport Indicateurs de développement durable (février 2024) offre un bon aperçu récent. https://www.plan.be/publications/publication-2452-fr-indicateurs_de_developpement_durable_2024
[9] Il appartient bien sûr au Parlement lui-même de proposer une bonne formule à cet effet et, éventuellement, de confier cette tâche à une commission parlementaire spécifique.
[10] Pour les progrès politiques au niveau de l’UE, voir : Sustainable development in the European Union – Monitoring report on progress towards the SDGs in an EU context – 2023 edition. https://ec.europa.eu/eurostat/web/products-flagship-publications/w/ks-04-23-184
[11] Dans ce contexte, le CFDD se réfère à certains textes du Comité économique et social européen: (1) (NAT/903-EESC-2023) UE et programme 2030: renforcer la mise en œuvre des objectifs de développement durable ( https://www.eesc.europa.eu/en/our-work/opinions-information-reports/opinions/eu-and-agenda-2030-strengthening-implementation-sdgs ), (2) EESC Contribution to the EU-level Voluntary Review of the implementation of the 2030 Agenda ( https://www.eesc.europa.eu/en/news-media/news/eesc-contribution-eu-level-voluntary-review-implementation-2030-agenda )
[12] Si notre pays avait encore la possibilité de défendre ces principes dans le cadre du futur programme stratégique de l’UE sous la présidence belge du Conseil de l’UE, le Conseil le soutiendrait certainement.
[13] Dans ce contexte, des recommandations concrètes peuvent être trouvées dans le Europe Sustainable Development Report 2023/24 sur cette page : https://eu-dashboards.sdgindex.org/chapters/part-1-towards-a-new-european-deal-for-the-future-achieving-the-sustainable-development-goals-in-a-fragmented-and-multipolar-world-1